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 In Limine

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AuteurMessage
Arishem
Langue pendue



Nombre de messages : 96
Age : 53
Date d'inscription : 30/12/2005

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MessageSujet: In Limine   In Limine EmptyDim 21 Mai - 18:50

Depuis que le Fléau s’est étendu, on dit qu’il ne neige jamais sur les Maleterres…

Il lève les yeux, des yeux de brouillard et d’argent, avec des reflets plus noirs que le cœur de la nuit. Ses mains enserrent le verre de vin, ne laissant pas de traces sur la condensation à sa surface. Elle frissonne. Il y a de la magie dans le regard de l’homme, dans la façon dont il tient ses épaules, dans l’attouchement hésitant de ses mains sur le verre.
Contre sa cheville, elle sent la présence de plomb de la valise. Elle sent son poids. Et le reste de la scène, la pièce aux vitres plombées, l’arbre qui pousse au milieu de la grande cour, et les silhouettes qui passent autour d’eux, tout cela est loin et flou, tel un rêve déjà enfoui, déjà mort, perdu cent fois. L’air est comme une poignée de parfums qu’on lui jetterait au visage. Et tout restera ainsi, immuable, même quand son âme à elle, en passant la porte, se sera disloquée.
Le moment des adieux est une souffrance si cuisante que notre cœur essaye de s’y dérober avec fureur. Mais nos corps eux, veulent toujours s’exposer un instant de plus à ce plaisir douloureux d’être encore un peu avec l’autre. Nous restons donc, nous endurons la blessure, et la sensation brûlante des larmes refoulées n’a pas d’équivalent au monde, si ce n’est le bruit que fait le sang en coulant sur un carrelage glacial.
Elle le regarde, les yeux immenses accrochés à son regard à lui. Et il dit :

C’est ce qu’on raconte…


Le royaume de Lordaeron est devenu chaos. Les terres sont plongées dans une saison immuable dont on ne sait que trop qu’elle est le crépuscule des hommes. Des arbres pourrissants, des couleurs d’enfers flamboyants tissées au milieu de champs ravagés. Dans l’air des effluves de mort ravivent sans cesse le souvenir de nombreux bûchers funéraires. Combien de gens-il vu partir en fumée ? Combien d’autres a-t-il dû tuer avant de les brûler ? Mais Arishem n’en dira pas plus, et qui pourrait l’y obliger ? Qui pourrait même l’en convaincre ? Car si proches , amis et compagnons d’armes, que nous puissions être de lui, il est toujours un pas en retrait hors de tout, et ne permet à personne de passer les limites de son territoire. Ni pour le mal, ni pour le bien. Et il est seul, comme les pierres dressées ou les chênes centenaires. Il n’y a pas assez de lumière au pied de cet arbre pour permettre à un autre arbre de croître, et pas assez d’ombre auprès de cette pierre pour se reposer. Un soir indigo, devant la fenêtre ronde de sa chambre, une femme qui l’aimait lui a dit d’une voix de couteau :

Il neigera sur les Maleterres avant que ton cœur ne s’ouvre…

Et il ne lui a pas répondu un mot, les yeux noyés dans l’ombre, même quand elle est partie….


Je me souviens de la première fois où ils se rencontrèrent. Arishem croisa les bras, il regarda ce petit bout de femme aux yeux couleur de sapin, aux cheveux bruns. Il ne souriait pas, et son regard aurait pu briser les pierres. Elle répondit à cela par un sourire moqueur et un regard de défi. Et il faut une certaine dose de cran pour se tenir face à un guerrier quand il a ce regard-là. Mais elle tint bon, Elisa, elle lui opposa l’armure de son sourire, de son calme implacable jusqu’au bout. Il ne resta plus à Arishem, finalement, qu’à accepter qu’elle puisse s’occuper des blessés si près de l’horreur des combats. Elle s’installa dans l’heure mais voulait quelque chose de plus. Arishem, qui estimait lui avoir déjà beaucoup donné, l’écouta calmement lorsqu’elle demanda à pouvoir participer aux raids. Il renifla et se détourna, cette fois-là, ne jugeant même pas utile de lui répondre.
Elle était la première femme à se mêler à notre vie de combats et de mort et cela, en soi, a sans doute fait vaciller beaucoup de choses. Elle s’installa dans une maison vide de la grande place. Et chaque soir, les rires et l’odeur des âtres toujours allumés attiraient du monde. C’était un objet de fascination que de voir les demeures d’Arishem et d’Elisa se faire face ainsi. L’une vide et austère, emplie d’échos, où Arishem vivait seul, enveloppé des ombres de ses questions et de ses doutes. L’autre un vibrant capharnaüm , empli d’objets hétéroclites, de fêtes et de chants. Mais elles se faisaient face ainsi, avec un no man’s land de pavés entre elles, aux antipodes l’une de l’autre.
Nous apprîmes beaucoup au contact d’Elisa. Et elle ne pleura jamais ce qu’elle avait laissé derrière elle. Du moins je le crois, mais qui pourrait le dire ? Et qui pourrait dire si Arishem, qui ne passait jamais le pas de sa porte à elle, ne se tenait pas quelquefois à la haute fenêtre de sa chambre pour regarder vers le bas, vers la maison tranquille d’Elisa, méditant sur tout ce qu’il avait oublié, et perdu ?

Toutes les semaines elle traversait la place et allait le voir pour lui demander encore de la laisser se joindre à nos raids. Il haussait un sourcil, le regard glacial, il lui opposait des fins de non-recevoir. Et elle retournait chez elle, petite silhouette traversant la place. Mais toujours elle revenait. Des semaines et des mois, jusqu’à ce que l’impatience les gagne tous deux, et que leurs entrevues deviennent de plus en plus houleuses. Ce n’était pas un mince exploit de faire crier Arishem, mais Elisa était persévérante. Pour ébranler l’inertie de ce roc, elle n’avait comme arme que la raison. Elle avait pour thèse que ses soins pourraient nous être utiles au plus proche des combats, et son argument était valide. Arishem lui-même, malgré ses réticences, devraient bien un jour, se disait-elle, finir par s’y rendre. Mais Arishem ne voulait pas lui donner raison, résistant farouchement au concept même de la laisser prendre le moindre risque pour sa vie. Elle finit par lui dire que le simple fait de vivre encore dans les Maleterres, malgré le fléau, parmi eux pour les soigner ne semblait pas encore suffisant pour lui montrer qu’elle voulait faire partie de leur compagnie Elle pleura, ce jour-là, et ce fut sans doute cette concession à leur affrontement qui fléchit la résolution d’Arishem.
Elle intégra son groupe à lui, et certains dirent que c’était pour qu’il puisse la tenir à l’œil. Ils allaient ensemble en mission, formant une équipe à l’efficacité redoutable. Mais rien ne pouvait entraver leurs disputes. Elle était en toutes circonstances la seule à oser s’opposer à lui de vive voix. Cela faisait sourire Mériel qui avait fait de lui notre chef. Il pensait qu’Elisa était la réponse à ses prières pour empêcher Arishem de sombrer dans les ténèbres.

Comment tisser un amour à l’ombre d’un homme comme lui ? Et comment aurait-elle pu le comprendre alors, elle qui n’avait dans les yeux que le vert des forêts et le souffle de la vie. Comprendre qu’on ne devient pas un pilier sans acquérir la dureté de la pierre…
Ils finirent donc par devenir amants ; nul doute qu’ils aient tiré leur premier baiser du feu d’une querelle…Ils partageaient donc le même lit, mais pas le même toit. Et jamais, sans doute, ne montra-t-il un quelconque signe d’attachement à son égard. Elle resta à sa droite des années entières, pourtant. Tandis que les mains d’Arishem lui devenaient plus familières que son propre corps mais que son cœur lui restait impénétrable.
Nous avons tous senti quand son espoir s’est brisé et sa patience s’est éteinte. Senti qu’elle commençait à se dissoudre dans son silence, contre la barrière que lui imposait son regard. Mais aucun de nous n’osa aller lui dire qu’Arishem ne pouvait pas plus trahir toutes ses cicatrices, et l’idée qu’il se faisait de lui-même, qu’en restant dans ses bras à elle . Qu’il avait épuisé tous les mots d’amour qu’il aurait pu lui dire dans le seul fait de rester.
Et voilà comment, un soir indigo, elle se tint devant lui dans sa chambre, et lui dit qu’il neigerait sur les Maleterres avant que son cœur ne s’ouvre. Et Arishem ne répondit rien, le visage retranché dans les ténèbres, les bras croisés sur son cœur silencieux. Ne dit rien quand elle recula vers la porte, et rien quand elle la passa. Rien quand elle fut partie et que l’immensité de sa solitude vint lui hurler au visage. Il la regarda traverser la place, et entrer dans sa maison de l’autre côté de la rue. Et il n’avait pas bougé, les yeux brûlants, quand elle repassa sa porte, ses valises à la main. Il la regarda s’arrêter sur le seuil et balayer la place du regard. Puis sortir sur le tapis blanc et friable du sol, et lever les yeux vers lui, debout devant sa fenêtre, à travers l’espace qui les séparait. A travers la valse lente des flocons. Elle resta là une heure ou deux, à regarder la neige recouvrir le village, à regarder l’homme immobile derrière sa vitre ronde. Je crois qu’elle a entendu son cœur à lui, battre pour la première fois…
Elle a repris ses valises, et traversé, et est entrée tout droit dans la maison. Peut-être a-t-il fait la moitié du chemin, ou peut-être pas. Mais elle est restée, et la neige aussi. Et si dru qu’elle soit tombée, tout le temps que dura ce premier hiver depuis longtemps, la trace de ses pas, la marque du chemin qu’elle avait dû parcourir pour le rejoindre, resta inscrite dans la poudreuse…
Elisa avait posé ses valises dans la maison d’Arishem, elle n’a jamais plus repassé le seuil de sa propre maison, debout, désertée, de l’autre côté de la place. Plus jamais, pas même pour y prendre un objet oublié. Elle a posé ses quelques affaires à côté des siennes, sans rien déranger, et il n’a pas protesté. Elle n’a rien changé dans la maison de son amant. N’y sont entrés ni les couleurs, ni les rires. Mais avec le temps, lentement, lui a commencé à modifier certaines choses, à peindre les murs ou mettre un vase dans la lumière d’une lampe pour recréer les couleurs qu’elle aimait. Les disputes se sont tues, et la paix est entrée dans le cœur silencieux d’Arishem, blanche comme la neige qu’il lui avait suffi de voir tomber une seule fois…


…Mais en dehors, là où parle l’insouciance des hommes , loin de notre bataille contre le fléau, on dit qu’il ne vient plus d’hiver sur les Maleterres…

Il porte le verre à sa bouche, et le vin coule entre ses lèvres comme un dernier adieu. Elle resserre son étreinte sur ses gants de chevreau, essayant d’engloutir son image avant son départ. Ne me laissez pas être faible, qui que ce soit qui écoute, là-dehors, aidez-moi à partir sans le toucher une dernière fois. Il repose le verre sur la surface lisse de la table avec un bruit sec, et replonge ses yeux dans les siens.

Et ceux des autres royaumes viennent à nous. Pour nous aider dans notre combat contre le fléau. Mais jamais pendant notre hiver, quand le cœur des rares villages qui résistent est à nu. Et ils viennent pour empêcher le fléau de s’étendre, de toucher leurs propre terres mais pas pour nous. Parce que pour nous comprendre, il faut savoir pourquoi il neige sur les Maleterres.

Les sanglots montent dans sa gorge et éraillent sa voix quand elle demande :

Qu’est-ce que ça veut dire ?

Il sourit avec une douceur que nul ne pourrait soupçonner sur un tel visage.

Tu ne sais pas ? L’hiver s’en vient…Reste…
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